Intrapreneuriat : qui est vraiment le père de ce concept ?

Personne ne dépose un brevet sur l’esprit d’initiative. Pourtant, l’intrapreneuriat, ce mot qui claque aujourd’hui à toutes les tables de direction, n’est pas né du hasard ni d’un brainstorming de consultants. Bien avant que le terme ne fasse surface, des femmes et des hommes inventaient déjà, à l’abri des projecteurs, une nouvelle façon de faire bouger les lignes à l’intérieur même des entreprises.

Le terme intrapreneuriat apparaît officiellement pour la première fois en 1978 dans un document interne de la société américaine Lockheed Martin. Quelques années plus tard, le mot entre dans la littérature académique grâce à Gifford Pinchot, consultant en innovation. Pourtant, avant même que la notion prenne forme, bien des entreprises vivaient déjà des expériences d’autonomie entrepreneuriale confiées à leurs équipes.Qui se souviendra du véritable premier geste intrapreneurial ? Les discussions restent vives parmi les connaisseurs du sujet. Plusieurs protagonistes revendiquent cette antériorité, d’autres voient leur nom projeté dans la course, tandis que certains exemples historiques brouillent la chronologie. Ce flou sur les origines montre à quel point, des années durant, tout cela n’a été qu’une pratique informelle et souterraine du monde du travail.

L’intrapreneuriat, un moteur d’innovation interne aux multiples facettes

Difficile désormais de passer à côté de l’intrapreneuriat. Ce levier transforme l’innovation interne pour de bon. Les salariés deviennent intrapreneurs, portent une idée propre, la font grandir, la testent et la défendent, tout en comptant sur la puissance, les outils et le cadre que leur offre leur entreprise. Cette dynamique casse les codes établis, bouscule les hiérarchies, pousse à la transversalité et ouvre des brèches concrètes pour innover différemment.

L’intrapreneuriat n’a pourtant rien d’un simple jumeau de l’entrepreneuriat classique. Ici, l’intrapreneur évolue à l’intérieur de frontières précises : il bénéficie de ressources, mais doit composer avec la culture, les process et les arbitrages de son organisation. Pour qu’un projet avance, certains leviers s’avèrent décisifs :

  • Une culture d’entreprise propice au risque et à la coopération
  • Des ressources attribuées à l’idéation, à la création de POC (Proof of Concept), puis à l’essaimage
  • Une tolérance à l’échec, envisagé comme un enseignement et non un verdict

L’intrapreneuriat prend présence sous différentes formes : dispositifs pilotés par les RH, concours internes, équipes projet éphémères, ou même filiales issues d’idées maison. L’objectif derrière ces méthodes ? Débusquer des projets capables de révolutionner le business-model de l’entreprise, ou d’accompagner des changements culturels de fond, là où se croisent diverses expertises.

Il n’existe pas de parcours type. Certains intrapreneurs agissent dans l’ombre, d’autres embarquent des équipes entières dans leur aventure. Mais tous participent à irriguer l’entreprise de créativité. L’intrapreneur ne ressemble ni à un exécutant, ni à un salarié en routine : il orchestre, rassemble, affronte, cherche… et rate aussi parfois. C’est exactement dans ce dialogue permanent, entre contraintes et marge de manœuvre, que naissent des ruptures qui comptent vraiment.

Qui peut vraiment revendiquer la paternité du concept d’intrapreneuriat ?

Le terme « intrapreneuriat » n’est pas tombé du ciel, il s’est imposé par capillarité, au fil de multiples expérimentations individuelles et d’initiatives collectives, bien avant d’être étudié ou nommé de façon officielle. Lorsque Gifford Pinchot et Elizabeth Pinchot définissent le concept au début des années 1980, ils dressent le profil d’un acteur clé : un salarié indépendant d’esprit, audacieux, capable d’impulser des projets en interne comme un entrepreneur le ferait à l’extérieur.

Ces mots cachent des histoires concrètes. 3M, par exemple, donne carte blanche à Art Fry et Spencer Silver, qui finiront par inventer le Post-it. Chez Sony, Ken Kutaragi imagine la future PlayStation quand personne ne voit plus loin que lui. Même logique à la SNCF avec la naissance de Oui.sncf, ou chez Danone avec Danone Communities. Autant de trajectoires qui montrent que l’intrapreneuriat dépasse la théorie ; il se joue dans la prise d’initiative réelle, parfois à contre-courant des habitudes établies.

Au fond, qui peut en réclamer la paternité ? Les Pinchot ont cristallisé le concept, lui ont offert un cadre et une résonance internationale. Pourtant, avant eux, des entreprises ont patiemment bâti cette culture en multipliant les essais, les innovations discrètes, les initiatives isolées mais inspirantes. C’est la somme de ces démarches qui a fini par façonner l’ADN de l’innovation interne.

Pourquoi l’intrapreneuriat séduit-il de plus en plus les entreprises aujourd’hui ?

Si l’intrapreneuriat attire autant les regards, c’est qu’il répond à de nouveaux besoins. Les entreprises doivent se réinventer sur fonds d’incertitudes (technologiques, économiques, sociales), et voient dans leurs équipes la meilleure ressource pour renouveler leur offre. Miser sur le potentiel interne permet de stimuler la transformation sans dépendre systématiquement d’acquisitions externes ou de rachats de startups.

Ce fonctionnement a un autre avantage : il fédère, renforce l’engagement, donne du sens. Laisser chacun saisir l’opportunité de proposer, d’expérimenter, ou d’apprendre de ses échecs, marque la reconnaissance de la créativité individuelle. L’entreprise peut alors muscler sa marque employeur et gagner en agilité. Pour structurer ce foisonnement, les grandes organisations mettent en place de véritables dispositifs : formation, accompagnement, et choix collectifs des projets à suivre.

Voici sur quoi reposent, en général, ces programmes :

  • Reconnaissance : donner de la visibilité à ceux qui innovent, les soutenir concrètement lorsqu’une offre ou un service prend forme
  • Formation : transmettre aux intrapreneurs des compétences adaptées à leurs ambitions
  • Accompagnement : guider le passage de l’idée jusqu’à une preuve de concept solide, et accompagner le déploiement

Transformer une intuition isolée en réussite collective prend alors tout son sens. Comités de direction, responsables RH, managers : tout le monde s’implique, chacun tire le dispositif dans son sillage. L’intrapreneuriat n’est plus un gadget, mais une force structurante pour la modernisation continue des entreprises françaises.

Groupe de professionnels en discussion dans un espace de coworking

Mettre en place un programme d’intrapreneuriat : conseils et facteurs clés de succès

Lancer un programme d’intrapreneuriat demande de la méthode, du discernement et un réel engagement collectif. Définir un cadre clair, ouvrir l’appel à initiatives, instaurer une sélection transparente, puis accompagner celles et ceux qui portent un projet : ces étapes jalonnent toute feuille de route crédible. Dès le début, impliquer le plus grand nombre (équipes, RH, direction) favorise la légitimité, l’accès aux moyens et l’appropriation globale du programme.

Voici comment ces parcours se structurent concrètement :

  • Favoriser l’émergence d’idées par le partage large (crowdsourcing, ateliers, plateformes internes)
  • Sélectionner les meilleurs projets avec un comité diversifié rassemblant plusieurs expertises
  • Assurer un accompagnement continu jusqu’au stade de la preuve de concept
  • Tester l’industrialisation, soit par l’intégration dans l’activité existante, soit en créant de nouvelles entités dédiées

Expérimenter ne devrait pas rimer avec crainte : valoriser toute forme d’apprentissage,même en cas d’échec,, proposer des évolutions de carrière, ou une prime en cas de réussite, chaque levier peut peser. La formation, quant à elle, devient indispensable pour naviguer dans un environnement changeant, convaincre et innover sans filet.

Le piège ? Les processus trop rigides. Il vaut mieux préférer les ajustements progressifs, le pilotage transversal, l’écoute de retours terrain. Des soutiens extérieurs (cabinet conseil ou plateforme spécialisée) peuvent donner de l’élan à la démarche, mais la véritable énergie doit toujours venir de l’intérieur.

Difficile de prédire quelle idée fera basculer une organisation. Mais face à l’immobilisme, l’intrapreneuriat continue de prouver : l’innovation n’attend pas le bon moment, elle se construit dans l’action, l’imprévu, et l’élan partagé d’une équipe décidée à prendre sa place dans la trajectoire de l’entreprise.

Articles populaires